François Rákóczi II.

L'auteur de celte élude se propose de passer en revue les passages consacrés à François Rákóczi II, chef de la Guerre des Mécontents de Hongrie (1705-1711), dans les mémoires français de son temps. Ces témoignages précieux, bien que souvent utilisés dans les nombreuses monographies s'occupant du prince de Transylvanie, n'ont pas été jusqu'ici analysés dans leur ensemble. Le but des pages suivantes est d'accomplir cette tâche en examinant à la fois la personnalité des mémorialistes ainsi que la valeur et l'authenticité de leurs œuvres. Les mémoires, genre littéraire bien français et cultivé dès le moyen-âge, ont atteint une prodigieuse floraison au siècle de Louis XIV. Par l'importance des personnes qui les ont rédigés et par les nombreux détails de la petite histoire qu'on ne trouve guère ailleurs dans les archives, les mémoires constituent une source d'histoire d'une valeur incontestable. Il est toujours instructif, pour connaître la méthode de travail et la mentalité des mémorialistes, d'étudier les façons diverses dont ils réagissent en présence d'un événement déterminé. Nous croyons que cette étude devient particulièrement utile, quand l'événement est de nature telle que celui qui a eu pour héros le prince Rákóczi. Au commencement, simple insurrection d'un peuple jusqu'alors assez peu connu de la France, contre son roi, la Guerre des Mécontents de Hongrie est devenue peu à peu un événement international. En effet, les Français étaient trop intéressés à ce que les Habsbourg n'aient pas les mains libres, pour ne pas suivre avec sympathie les luttes héroïques du prince Rákóczi, devenu plus tard non seulement par les faits, mais aussi par un accord formel allié de Louis XIV. — Voici quelques détails sur l'alliance de Louis XIV et Rákóczi : l'erriol, ambassadeur de France à Constantinople, attira l'attention de Louis XIV sur Rákóczi qui, d'après lui, pourrait être employé contre l'empereur. C'est Du Héron, ambassadeur français à Vienne, qui fut l'intermède entre le roi de France et le prince de Transylvanie. Rákóczi demandait de l'argent et des troupes et il reçut la promesse d'une rente de 12.000 livres pour lui et d'une autre de 6.000 livres pour Rercsényi. L'argent lui fut envoyé et fut même augmenté lorsque Rákóczi le demandait. Mais cela ne dura que pendant que les exploits de Rákóczi étaient victorieux et pendant que le roi avait besoin de lui pour servir sa politique. La guerre de la succession d'Espagne terminée, la défaite de Rákóczi presque sûre, le payement des pensions devint très irrégulier. Et quand le prince dut s'exiler, Louis XIV ne pouvait faire autrement que de le prendre encore sous sa protection et de lui offrir une hospitalité à la cour de France. Ici encore Rákóczi recevait des pensions du roi, assez larges pour un seul homme, mais bien modestes lorsqu'il s'agissait d'une suite nombreuse, comme l'était celle de Rákóczi. Après la mort du roi, le Régent réduisit les pensions de Rákóczi. — L'alliance de Louis XIV et de Rákóczi n'a jamais été fixée par un contrat. Louis XIV cédant aux demandes pressantes de Rákóczi de mettre leur accord en écrit, le lui promit s'il voulait détrôner la maison Habsbourg, ce qui arriva aussi à la diète d'Onod en 1707. Malgré cela, un accord écrit ne devait jamais exister entre les deux alliés. Nous avons donc ici l'occasion d'observer l'attitude des mémorialistes français dans une affaire qui, simple nouvelle de l'étranger au début, s'est développée par la force des événements pour devenir un facteur de la politique française.